Une ferme sociale et solidaire à Gerzat

Ep 1/3. Maxime Villain : « L’idée est de faire revenir les gens à la terre »

Maxime Villain sur sa nouvelle parcelle en début du projet à Gerzat, le 28 janvier 2022.

Janvier 2022 | Dans le cadre de l’expérience « territoire zéro chômeur de longue durée » de la métropole clermontoise et le soutien du Secours populaire, Maxime Villain entreprend un chantier ambitieux. Créer une ferme maraîchère tout en créant de l’emploi. Nous l’avons suivi dans « son champ », à Gerzat.

Bonnet enfoncé sur la tête, sourire aux lèvres, Maxime Villain nous accueille sur place dans le brouillard matinal. 12.000 m² pour « faire pousser du légume ». En voilà une bonne idée. Aujourd’hui, avec Théo, bénévole au Secours populaire, ils clôturent le champ mis à disposition par la mairie de Gerzat (Puy-de-Dôme). « Pour empêcher les ragondins de passer et dissuader les curieux », explique le futur maraîcher.

Développer des initiatives utiles et créatrices d’emplois pour les personnes éloignées du marché du travail, tel est l’objectif visé par l’expérience « territoire zéro chômeur de longue durée » dans la métropole clermontoise. Maxime y croit.

Technicien agricole dans une entreprise spécialisée dans la sélection variétale de semences potagères, il démissionne. Le jeune homme aspirait à autre chose.

Après une expérience décevante de deux ans d’enseignement au lycée Marmilhat à Lempdes, un master en biologie végétale et un stage qui n’aboutit pas sur le poste convoité, c’est un projet à la fois personnel et collectif qui débute. Transmettre, c’est ce qui l’anime. « Enseigner dans un établissement, c’est bien, mais le terrain me manquait ». Le goût de la terre mêlé à une véritable envie d’être utile.

Le futur champ de la ferme maraîchère, le 28 janvier 2022.
Maxime Villain clôture le terrain qui abritera les planches de légumes, le 28 janvier 2022.

Des idées et des rotations culturales plein la tête, Maxime « prépare le terrain ». Un tas de compost posé en bordure de champ et des délimitations pour deux serres d’environ 480 m² sont déjà marquées au sol.

Un espace dédié aux semences et aux plants de narcisses et jacinthes, fraîchement semés par les enfants de l’initiative « Copains du monde » du Secours populaire, se trouve dans le fond. « Il ne manque plus que le puits qui doit être creusé rapidement ». L’objectif pour 2022 : produire 28 tonnes de légumes et embaucher six personnes à temps plein. « Il faut montrer que le bio n’est pas forcément plus cher ».

Pragmatique et conscient des réalités économiques, le technicien ne se ferme aucune porte pour diversifier l’activité. Des prestations de service pour d’autres agriculteurs en manque de main d’œuvre sont envisagées. Les premiers choux seront en terre en mars prochain si « tout va bien ».


Ep 2/3. La ferme sort de terre

Marije, Elza, Hamlet, Noorin et Maxime dans la serre de la ferme solidaire de Gerzat, le 20 juillet 2022.

Juillet 2022 | Commencé en janvier, le projet de ferme maraîchère du Secours populaire prend forme à Gerzat. En ce mois de juillet, les premiers légumes y poussent grâce au travail des bénévoles de l’association. Certains d’entre eux seront embauchés en octobre prochain.

Au fond du champ, accroupis dans la serre luxuriante où poussent des plants de tomates, des bras se faufilent dans les rangs. Les feuilles bougent. Cachés derrière les grandes tiges qui supportent les fruits verts en formation, Hamlet, Elza, Marije et Maxime élaguent. Plus loin, Noorin récupère les déchets végétaux dans une brouette.

Hamlet, bénévole au Secours populaire 63, élague les plants de tomates dans la serre de la ferme solidaire de Gerzat, le 20 juillet 2022.

« On éclaircit les plants. Il y en a partout. Ça évite la concurrence entre eux et la propagation des maladies », sourit ce dernier. Heureux. Le projet avance. Dans le tunnel, plus de six variétés de tomates différentes se côtoient. Des rondes, des côtelées, des jaunes, etc.

Un projet expérimental

Le chapeau a remplacé le bonnet. Il y a cinq mois, nous avions rencontré Maxime Villain, conseiller maraîchage du Secours populaire, en plein hiver, sur cette même parcelle. Le jeune homme avait alors en tête l’emplacement des deux futures serres et des cultures. Objectif : offrir des légumes variés et de bonne qualité aux personnes modestes, à des prix raisonnables. Un défi pour l’association. En plus, la ferme maraîchère doit permettre de créer des emplois durables dans la commune en lien avec le dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée » soutenu par la Métropole clermontoise.

Maxime Villain à l’entrée de sa serre de tomates à Gerzat, le 20 juillet 2022.

Pour l’instant, ce sont des bénévoles, bénéficiaires ou non des activités de l’organisation, qui s’occupent des plants et des serres. Ils ne ménagent pas leurs efforts depuis 7 heures ce matin. « Même si certains peuvent avoir des difficultés avec le français, on s’entend sur le terrain. Il y a les gestes et les regards », ajoute Maxime. Les bénévoles présents sont tous volontaires. « Si ça devient une contrainte de venir, ce n’est pas la peine. » Ici, l’envie d’aider prime.

Maxime et Elza ramassent des légumes pour fournir l’épicerie du Secours populaire à Clermont-Ferrand, le 20 juillet 2022.

Dans le champ de 10.000 m², l’équipe de maraîchers « tournante » cultive la diversité. « J’ai mis des potimarrons, des butternuts et même un peu de maïs pop-corn », s’amuse Maxime. « C’est aussi l’idée de faire découvrir des légumes aux bénéficiaires. » Un regard vers les concombres. « Je n’en ai déjà plus. J’aurais dû en planter davantage. 125 kg sont partis lundi dernier », se réjouit le maraîcher.

Circuit-court

Les productions sont vendues à l’épicerie solidaire de l’association à Clermont-Ferrand et dans les marchés « pop » à bas prix : « 0,70 €/kg pour tous les légumes. Chez un maraîcher ou un détaillant, on est plus autour de 2,50 €/kg pour des poireaux bio par exemple. » Des partenariats commencent à fleurir avec la Coop des Dômes, Bio Auvergne et des maraîchers locaux. Des particuliers s’investissent pour faire des dons de plants. « Mon idée est de travailler avec tout le monde pour  pour faire avancer le projet ». 

Noorin apprend à poser des tuteurs sur les tomates, le 20 juillet 2022.

L’autonomie financière de la ferme passe par des activités diversifiées. Au-delà de la vente de légumes, des chantiers agricoles sont prévus. « J’ai déjà des demandes. Lorsque les salariés arriveront, que le tracteur sera là, on mettra en place cette activité petit à petit.» Maxime prévoit l’embauche de trois salariés à plein temps (des demandeurs d’emploi éloignés du marché du travail) pour le maraîchage, d’ici octobre prochain. Trois personnes seront par ailleurs sollicitées pour faire vivre le comité local du Secours populaire de Gerzat. La contrainte est que ces derniers doivent habiter la commune. 

L’insertion économique reste une priorité. Noorin, 18 ans, a quitté le système scolaire l’année dernière. Avec l’aide de la Mission locale et de l’association, un service civique se profile pour elle. La jeune femme, qui s’occupe d’enfants dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand, pense à un projet. Animer des rencontres d’éducation à l’alimentation dans le jardin maraîcher. Bonne idée.


Ep 3/3. Un premier contrat

Maxime et Maturafi discutent près de la serre principale de l’exploitation maraîchère à Gerzat, le 24 novembre 2022.

Novembre 2022 | Quatre anciens bénévoles de la ferme solidaire viennent de signer leur premier contrat pour développer les activités de la ferme maraîchère, renommée Jardins solidaires, à Gerzat. Un nouveau départ pour chacun d’entre eux.

Elza, Nurcan, Maturafi, et Martin ramassent les épinards dans la serre au fond de la parcelle. Leurs larges sourires montrent une certaine satisfaction en cette matinée de novembre.

« J’ai toujours aimé le contact avec les plantes. C’est un peu dur de rester accroupi, mais ça va, je m’y fais », sourit Martin Akaro, 51 ans. Après quelques cagettes remplies, Martin et ses nouveaux collègues reprennent le démontage du tunnel à l’entrée. « Il était placé dans une zone inondable, on va le mettre plutôt derrière ». Le travail ne manque pas dans l’entreprise à but d’emplois, nouvellement créée Jardins solidaires, initiée en janvier dernier par le Secours populaire.

S’engager à long terme

Passé par différentes formations à travers Cap Emploi, Martin s’est fait la main dans l’horticulture lors de différents stages successifs avec la mairie de Gerzat après un souci de santé en 2004. Sans succès pour trouver un travail jusqu’à présent. Aujourd’hui, c’est un soulagement. Il vient d’être embauché depuis deux semaines en contrat à durée indéterminée au sein de la jeune entreprise à but d’emploi.

Fin de journée. Elza pose ses chaussures sur un bout de carton, le 24 novembre 2022.

Alors qu’il déplace du matériel pour le déplacement de la serre, Maturafi Halifa, 56 ans, est ravi. Après plusieurs petits boulots en tant que magasinier, bibliothécaire ou encore employé de bureau, il retrouve le travail de la terre. « Ça m’avait manqué. J’ai retrouvé un métier que j’aime ». Avant de débarquer en métropole il y a vingt ans, l’homme a travaillé comme jardinier paysagiste à Mayotte.


« Ça m’avait manqué. J’ai retrouvé un métier que j’aime »

Maturafi Halifa, 56 ans, salarié

Discrète, son français reste encore approximatif. Elza, 37 ans, apprend. Arrivée en France en 2019 avec sa famille de Géorgie, elle est reconnaissante de l’aide qu’elle a reçue. Du Centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada) à un emploi en CDI. « J’aime être dehors et m’occuper du jardin ». Pour Nurcan, 43 ans, c’est un aboutissement. Après plusieurs chantiers agricoles aux alentours, elle travaille désormais à temps plein. « C’est un projet qui me plaît ».

Avant de terminer leur journée, ensemble, ils soulèvent la porte bâchée de la serre qu’ils souhaitent déplacer. « Allez, 3, 2, 1, c’est parti ».

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