« Je n’ai pas peur de travailler » : des élèves dans le sillon de leur parents au lycée Rochefort-Montagne

En terminale au lycée agricole de Rochefort-Montagne, de futurs éleveurs se forment. La majorité d’entre eux, issus du monde agricole, veulent reprendre le flambeau familial. 

Paul, 17 ans, élève au lycée Rochefort Montagne, le 12 avril 2022. Ses parents ont un élevage de Salers dans le Cantal.

« Ce que j’aime, c’est le matériel, l’entretien des équipements et donner à manger aux bêtes ». Lucas, assis à l’arrière du Duster ne tergiverse pas. « Pareil pour moi et la traite aussi », ajoute Nicolas à côté de lui. Les deux élèves de terminale CGEA (Conduite et gestion de l’entreprise agricole) au lycée de Rochefort-Montagne dans le Puy-de-Dôme se rendent au chantier de la semaine. « Les autres sont dans le minibus, il n’y avait pas assez de place », explique Alice, responsable de l’exploitation de l’établissement, derrière le volant du 4×4. Cet après-midi, les terminales viennent en renfort des « petits de seconde » pour clôturer une parcelle qui accueillera les 250 brebis de la ferme du lycée.

« Mes parents ont une centaine de vaches laitières à Briffons. Avec mon frère, on va rejoindre le GAEC – Groupement agricole d’exploitation en commun ». À 18 ans, Lucas a déjà son projet en tête. La charge de travail et les contraintes liées au métier ne l’effraient pas. Il les connaît déjà. « On ne fait pas ça pour l’argent, sinon on fait autre chose », commente-t-il d’un ton assuré en regardant la route de campagne défiler.

Des destins tout tracés

Arrivés sur place, les élèves s’éparpillent. Ravis d’être sortis de la salle de classe qu’ils ne supportent pas vraiment. Enfin dans « leur » environnement. Fanny et Gabrielle, 18 ans chacune, s’affairent à remonter les isolateurs pour placer le grillage sur les poteaux en bois. « Les isolateurs servent à faire passer le courant seulement dans les fils et pas dans le piquet », explique Fanny. Originaire de Bongheat, « entre Thiers et Courpière », ses parents possèdent une exploitation de vaches laitières et allaitantes. Son avenir est aussi tout tracé.


« Je sais que je n’irai pas faire les personnes âgées, je suis trop attachée aux vaches. On a grandi dedans avec mes frères. Je n’y laisserai pas, c’est dans mes racines.  »

Fanny, élève en terminale au lycée Rochefort-Montagne

Intéressée par la transformation, Fanny aimerait créer un atelier pour vendre des produits laitiers : fromages, beurre et crème. « C’est super important de se diversifier ». La jeune femme envisage une formation supplémentaire à Aurillac (Cantal) ou dans une laiterie après le bac. Peu importe. « C’est mon frère qui m’a inscrite à Rochefort pour que je découvre d’abord l’animal ».

Depuis les années 2000, le niveau de formation des chefs d’exploitation n’a pas cessé de croître en France comme le soulèvent François Purseigle et Bertrand Hervieu dans leur ouvrage Sociologie des mondes agricoles (Armand Colin, 2013). En 2010, 17 % d’entre eux avaient un diplôme d’études supérieures. Ils n’étaient que 11 % en 2000.

Fanny et Gabrielle, 18 ans, font partie des quatre filles sur les douze élèves en terminale. « Certains exploitants ont encore du mal à prendre en stage des filles », confie Gabrielle. En France, seule une exploitation sur quatre est dirigée par une femme.
Concours de bottes entre Paul et Lucas, le 12 avril 2022.

En parallèle de leur scolarité, certains aident chez eux, d’autres sont salariés d’une exploitation pour gagner en expérience. Le mercredi après-midi et les week-ends, les sorties se résument souvent à donner des coups de main. Pas de répit. « Je me rends compte que le lycée est un peu leur défouloir », confie Amandine, surveillante arrivée dans l’établissement il y a quelques mois. Beaucoup ne partent pas en vacances. Fils, filles ou famille proche d’éleveurs, ces jeunes ne se voient pas faire autre chose. L’agriculture figure parmi les univers professionnels où la transmission intrafamiliale est la plus forte, en particulier l’élevage.

Gabrielle, elle, ne veut pas reprendre la ferme familiale en l’état. Trop grande pour elle toute seule. Trop dur aussi. Elle rêve d’avoir une petite exploitation à taille humaine. « Je ne sais pas encore trop, mais quatre ou cinq vaches laitières et une quarantaine de chèvres ». Avant de s’afférer à planter un piquet, Fanny demande : « Tu prendras des montbéliardes dans tes quatre cinq vaches ? »

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